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vendredi, avril 19, 2024

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Chronique : Le concept de l’influcence sociale minoritaire comme source d’innovation

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Lors de mes errances cybernétiques, je suis tombée sur les travaux de Serge Moscovici, psychologue décédé en 2014, sur le changement social introduit par les minorités.

La clarté et la pertinence de la description de ce postulat m’ont édifiée. Il s’agit ici tout simplement de dire que l’innovation (le changement) vient des minorités sociales‎ au sein d’une société.

J’aimerais ainsi que ceux qui liront ceci retiennent qu’un seul individu ou un groupe d’individus peut changer la donne dans son environnement (et pourquoi pas le monde). Ce même concept est d’ailleurs la tendance à Hollywood ces derniers temps avec des sagas pour les jeunes tels que « Hunger Games », « Divergente », « Le labyrinthe », ou il y a plus‎ longtemps « Matrix ». Remarquez que l’acteur Tom Cruise en est particulièrement friand (« Edge of tomorrow », « Oblivion », « Minority report »…). Et nous connaissons tous le succès de ces films qui repose essentiellement sur le fantasme secret de tout un chacun de changer le monde, de compter. Et puis s’il faut aller plus loin, le Christianisme en est une belle preuve également.

En partageant ceci, j’aimerais que chacun prenne conscience de l’importance des individualités. Et qu’il ne faut pas avoir peur d’avoir une opinion qui diffère de la majorité car ce n’est pas parce qu’on n’est plus nombreux à penser pareil que l’on a raison. C’est ainsi que commence le changement. Par l’expression consistante d’une opinion cohérente.

Tout d’abord qu’est-ce qu’une minorité ?

Selon Moscovici, une définition de la minorité serait « une petite fraction ou un petit nombre (nombre inférieur à la moitié du total) d’individus qui partagent certaines opinions, certains jugements, certaines valeurs ou certains comportements, lesquels diffèrent toujours de ceux que partage la fraction plus nombreuse de quelque groupe important de référence ».

Définition de l’influence minoritaire

L’influence minoritaire (également appelé influence sociale minoritaire ou innovation) est un processus par lequel les opinions minoritaires, les sources qui se posent comme déviantes, exercent une influence. L’influence minoritaire est un concept qui découle directement du concept d’influence sociale. L’émergence du concept l’influence minoritaire survient suite à l’incapacité à prendre en considération l’influence que pourrait avoir une minorité sur une majorité. Si le conformisme est un fonctionnement propre à la majorité, l’innovation est celle de la minorité.

Historique

Jusqu’à la fin des années 1960, l’influence sociale était considérée comme exclusive à la majorité, centrée sur la dépendance de la minorité et issue essentiellement des travaux américains. L’influence sociale n’était considérée jusque-là qu’à travers la majorité qui est considérée comme plus apte à punir ou à récompenser les membres, tout en ignorant le potentiel d’influence de la minorité. Dès lors, la minorité ne peut être que la cible de l’influence de la majorité. Elle ne peut que s’adapter en se conformant ou résister en restant indépendante ou déviante aux valeurs, aux normes et opinions de la majorité.

‎Face à l’impasse des travaux antérieurs à considérer l’influence minoritaire, l’émergence de l’intérêt pour celle-ci apparaît vers la fin des années 1960, principalement via les travaux de Moscovici et son équipe. L’influence minoritaire s’effectue à travers un processus de changement social particulier, l’innovation, où une minorité ou un individu influence une majorité ou un groupe. L’innovation n’est ni une déviance, ni une non-conformité ou une indépendance. L’influence minoritaire ne se centre plus sur le rapport de dépendance mais plutôt sur les normes ou les contre-normes et aux comportements associés. Ainsi, l’influence de la minorité est enracinée dans la façon dont la minorité se comporte et aux attributions auxquelles ce comportement mène. En effet, le rapport de dépendance ne peut pas être considéré comme un facteur de cause de l’influence minoritaire, comme dans l’influence majoritaire, puisque la minorité ne possède pas autant de ressources pour pousser la majorité à se conformer.

Selon Moscovici, l’influence sociale n’a pas une perspective unilatérale où l’influence va de la majorité à la minorité mais une perspective bilatérale, symétrique, dans le sens qu’aussi bien la majorité que la minorité sont à la fois des émetteurs et des récepteurs potentiels. Un effet d’action et de réaction existe et permet à un groupe d’occuper les deux positions par alternance.

Le concept de l’influence minoritaire‎

L’influence minoritaire est aussi connue sous l’expression d’influence sociale minoritaire. Parce que comme son nom l’indique, elle se réfère aux rapports sociaux qu’entretiennent des individus et des collectivités. Néanmoins, elle est à appréhender comme un processus dynamique. Si la conformité représente cette forme d’obéissance au groupe, cette tendance à adopter la même direction, voire les mêmes règles de ce groupe, le non-conformisme sera lui, d’une certaine manière, considéré comme une «déviance» en rapport à la norme. Se conformer représenterait donc le fait de suivre ou de céder à la pression du groupe, de se mobiliser voire de s’uniformiser. Ne pas se conformer tendrait à rendre la pression plus importante encore qu’elle ne le serait à la base. Dès lors, le conformiste se verrait davantage perçu tel « un adapté », «un efficace » alors que le non-conformiste se verrait recevoir les attributs opposés.

Asch a démontré que certains individus se conforment pour ne pas avoir à se distinguer. Sous cet angle, il est aisé d’envisager le conformisme comme un acte rationnel et le non-conformisme comme un acte irrationnel. Moscovici précise cependant qu’il ne faut céder ni à une apologie, ni à une dénonciation du conformisme selon la perspective que l’on adopte à son égard. Il affirme, en disant cela, que la vérité ne sort pas nécessairement de l’unanimité et que se conformer ne signifierait pas pour autant le fait d’être efficace ou adapté. L’auteur, pour qualifier l’influence minoritaire, dit d’elle qu’elle diffère de l’influence majoritaire contrairement à d’autres auteurs allant plutôt dans le sens qu’une influence minoritaire existe parce qu’une influence majoritaire elle-même existe.

Selon Moscovici, l’influence sociale, donc interindividuelle, est avant toute chose un processus bidirectionnel et circulaire, comprenant une action, une réaction et une rétroaction. Il convient donc de comprendre l’influence comme allant d’une source à une cible mais une cible peut elle-même s’avérer être une source. Deux comportements peuvent intervenir au niveau de la cible/source d’influence : le comportement conformiste ou le comportement indépendant (ou résistant). Ainsi, l’influence interindividuelle peut avoir comme conséquence un certain contrôle social mais aussi un certain changement social, l’innovation. Et c’est dans ces termes que, selon Moscovici, l’influence provenant de la majorité se rapprocherait d’un contrôle ou d’une soumission, alors que l’influence sociale minoritaire dénoterait davantage de l’innovation.

L’influence sociale prend place dans les phénomènes du conformisme et de l’innovation. Plus précisément, elle concerne la persuasion par la persistance et la consistance de certains individus face aux groupes conformistes (Moscovici, 1985; Moscovici & Lage, 1976, 1978; Moscovici, Lage, et Naffrechoux, 1969; Moscovici & Nemeth, 1974; Moscovici et Personnaz, 1980). Mais c’est par le biais de l’innovation que le thème de l’influence minoritaire d’un individu (ou d’un groupe minoritaire) sur le groupe (ou la majorité) peut être traité. Dans ce contexte, l’innovation n’est pas à concevoir comme étant une déviance ou un non-conformisme. Moscovici l’envisage plutôt comme un des processus fondamental de l’existence sociale. Si le consensus (donc aussi le conformisme d’une certaine manière) a toute son importance, il n’est pas à négliger l’aspect crucial de l’apport de nouvelles idées, nouvelles normes. Par ailleurs, l’innovation est intimement liée à l’émergence de conflits dans les relations intergroupes.

En somme, l’influence sociale n’est pas qu’uniformisation (qui est une réduction des différences interindividuelles) et n’est pas que l’élimination de ce que l’on appelle « déviance ». La fonction de l’influence sociale est, au contraire, d’arriver à modifier un groupe, un système, pour atteindre un objectif via l’utilisation de chacune de ses ressources (y compris les déviantes).

C.V.F.

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