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Musique : « Ndem 237 » – Qu’est ce qui n’a pas marché ?

 

Ils étaient doués, ils avaient pourtant un bel avenir musical armés de leurs belles voix et au summum de leur jeunesse. Mais qu’est ce qui n’a pas marché ? C’est dans la quête d’une réponse que nous sommes revenus sur le parcours de ces quelques jeunes chanteurs camerounais dont la carrière a brillé telle une étoile filante, l’instant d’une chanson, ou deux, alors qu’ils étaient plein de vigoureuses promesses.

On a coutume de dire : « Le plus dur n’est pas d’arriver au sommet, mais de s’y maintenir ». Une maxime que l’on prononce de manière assez banale, mais qui prend sens dès lors qu’on observe de près ceux-là qui ont atteint ce sommet mais qui n’ont jamais pu s’y maintenir. Daniel Baka’a, Sine, Danielle Eog, Duc-Z et autres font partie de ces « chanceux » qui ont connu plus ou moins la gloire à un moment donné. Nous avons scanné les carrières de ces artistes camerounais dans le but de comprendre ce qui a fait leur succès mais aussi leur chute, et pourquoi pas d’en prémunir plus d’un contre les oubliettes du showbiz.


Achalle

Achalle Deh a connu une entrée fulgurante dans l’univers de la musique camerounaise. Vainqueur de la téléréalité Star 2 Demain en 2007, il est porté en cœur par le public camerounais. L’émission qui est à sa première saison est fortement appréciée des téléspectateurs. Tel que prévu par les conditions de participation, il enregistre un album juste après avec un titre phare « Bunya« . La chanson est reprise dans toutes les grandes villes du pays. Sa voix séduit les jeunes. Achalle surfe sur cette vague et enregistre un deuxième album « Feelling insecure ». C’est un succès. Achalle est ensuite nominé aux Kora. Sa prestation aux Kora lui vaut une collaboration avec David Guetta. Le public camerounais se réjouit à l’idée de voir enfin un artiste R’n’B sortir du lot. Comme on dit il est arrivé !

Loin s’en faut. En 2010, son troisième album « excited » est un flop monumental. C’est le début de la fin. La tonalité gospel de cet opus n’empêchera pas le naufrage. Comme les autres, Achalle n’aura pas pu saisir l’opportunité d’inscrire son nom en lettres d’or au panthéon de la musique camerounaise. Un gâchis pour ce talent à l’état brut.

Notre analyse : A cette époque l’Afropop est en pleine ascension, et on ne jure que par la musique Naija. Difficile pour du R&B de rivaliser avec ce qui sonne profondément africain. Il n’a pas su prendre le virage de l’Afropop lorsque celui-ci était à la mode.

Morale de l’histoire : Savoir adapter sa musique quand on ne peut proposer quelque chose de plus fort et d’authentique.

Daniel Baka’a

Qui au Cameroun n’a pas dansé sur le rythme « Pinguiss » de Daniel Baka’a ? Difficile de répondre par la négative. Nous sommes en 2010. A l’approche de la fin d’année, une chanson venue de nulle part fait son apparition : le pinguiss est là. Tout de suite, les mélomanes l’adoptent. Le son est un tube repris par tout un peuple. Son auteur Daniel Baka’a est même invité par la Première Dame au palais présidentiel. Le phénomène est total. France 3 dépêche une équipe au Cameroun pour le comprendre. Daniel Baka’a entre alors dans la cour des grands !

Une entrée en trombe qui sera proportionnelle à sa disparition de la scène. Après la sortie d’un deuxième titre « Pinguiss ballon« , l’artiste s’essouffle et s’efface tout doucement. Un voyage en France pour une série de spectacles puis … plus rien.Il faut dire que la course fut effrénée et qu’elle aura ressemblé plus à un sprint qu’un marathon. C’est la fin d’un espoir de la musique camerounaise.

A ce jour, Daniel Baka’a a complètement disparu de la scène publique. L’artiste qui a toujours dit avoir « rêvé d’être une star » n’a pas su tenir son rêve entre ses mains que l’instant d’une chanson et l’a laissé filer. Mais il fut également noté que ce dernier était un « Self made man » à la fois auteur, producteur, chorégraphe …

Notre analyse : Il fait partie de cette génération d’artistes qui ne regardent pas la musique comme un business. Difficile donc de miser dans la durée.

Morale de l’histoire : La musique n’est pas le seul élément qui rentre en ligne de compte pour avoir un succès qui perdure dans ce domaine. Il faut maitriser d’autres aspects qui ont dû échapper à notre cher Daniel.

Jay N

C’était un pari osé, dirions-nous même risqué. Faire du rock au Cameroun. Mais il l’a fait et on se rappellera de lui pour cela. Jay N a été la toute première figure du rock made in Cameroun. Un style de musique dont il a été le pionnier. En 2009, Le chanteur fait vibrer toute une jeune génération avec son titre « Rock Star« . Jusqu’à ce moment là, le rock était une musique dite « de blancs ». Il casse les barrières et impose le rythme. La vague prend au point où en 2010, il commet « Believe in your dreams », un opus de 14 titres.

Alors que le public avisé de la scène musicale s’attendait à ce que ce pionnier ouvre la voie à un style dont il serait le dépositaire, c’est avec un grand pincement au coeur que ceux-ci ont assisté à sa disparition.

Aujourd’hui, Jay N a complètement raccroché les micros pour endosser le costume de comédien. Il apparait dans des téléfilms camerounais et nigérians et s’y consacre à plein temps. Sans avoir assuré la relève côté rock dira-t-on, mais en voila un qui aura fait ce qu’il aime en tout cas.

Notre analyse : Il n’aura sans doute pas échappé à la vague nigériane qui commençait à ensevelir tous les genres dits « marginaux » à l’époque.

Morale de l’histoire : Être différent peut avoir ses bons côtés à condition que l’on soit tout de même dans un courant musical accessible à un grand nombre.

Sine

Vainqueur d’Africa Star 2008, la 1ère téléréalité de musique d’Afrique francophone, Sine-Tum (alors connu comme Sidney) avait tout pour s’imposer sur la scène musicale urbaine camerounaise et même africaine. En fin d’année 2008, cet artiste à la voix exceptionnelle possédait déjà une notoriété particulière. Une aubaine pour tout passionné de musique qui normalement, devrait s’en servir pour s’imposer.

En 2011, démarre la collaboration avec Mumak Records, un label naissant à la tête duquel se trouve un certain Jovi. Le jeune label lui fait revoir son répertoire un peu trop « vieillot » et son look, et c’est parti pour préparer son tout premier album.

Malheureusement, Sine a vu son aura s’éteindre telle une bougie en fin de parcours. Tout bascule lorsqu’il décide de monter sur scène sans Jovi au concert d’Akon pour interpréter le tube « Koh Koh« , alors que ce dernier en était pourtant le co-producteur, co-auteur et co-interprète. A la poubelle l’album, le projet meurt dans l’oeuf. Et parole de Wanda People, c’était pourtant du très lourd en perspective.

Une tentative de collaboration avortée avec Empire Company (à l’époque à la recherche d’un artiste anglophone) n’y fera rien. Ni les nombreuses collaborations avec de grandes voix de la musique africaine telles que Petit PaysMeiway et autre Brico avec le soutien de la Fondation Muna. Sine n’a jamais pu sortir le moindre album.

Aujourd’hui, l’artiste se produit sur des scènes de fortune au Maroc où il entonne le répertoire d’autres artistes de renom tels que Lionel Richie et autres. Son retour sur la scène est plus que problématique car il devrait alors tout reprendre à zéro. Quel dommage !

Notre analyse : Son manque de loyauté professionnelle et sa recherche de notoriété à tout prix aura eu gain de sa carrière pourtant très prometteuse.

Morale de l’histoire : Il ne sert à rien de prendre des raccourcis vers la réussite et l’argent ne suffit pas au succès. Un peu de patience et d’honnêteté auraient sans doute permis à Sine d’être l’une des stars en vue sur la scène camerounaise urbaine contemporaine.

Andy Jemea

C’est en 2013 que ce chanteur de Makossa se révèle au grand public. Avec le titre « Maggie« , Andy Jemea s’élève au sommet des hits du pays pendant de longs mois. Fils d’un grand guitariste, il a le rythme dans la peau et cela se ressent au point où la grande Charlotte Dipanda est séduite. C’est tout naturellement que les espoirs du public se sont portés sur celui en qui il voyait déjà le souffle nouveau du Makossa.

Cependant, après le succès de son premier album « Maggie », les fans attendront en vain la suite. « Mon deuxième album, je le prépare tout doucement » confiait-il dans une interview accordée en novembre 2014. Deux ans plus tard, il faut dire que la cuisson est plutôt lente et elle tend à s’éterniser, car l’album en question n’a jamais pu voir le jour.

A ce jour, la dernière grande apparition scénique d’Andy Jemea remonte à juin 2015 aux côtés d’Hervé Nguebo et Idylle Mamba. Le public camerounais une fois de plus pleure un artiste au talent brut qui n’aura pourtant pas pu (su) être à la hauteur de ses attentes.

Notre analyse : Difficile à dire… Pure hypothèse… Ce n’est pas évident de faire un album tout court et qui est plus est chez nous. Cela demande des ressources humaines et financières. Et pour peu que l’artiste soit difficile, et insatisfait, il peut décider de prendre son temps en quête de perfection. Attention, à trop rechercher la perfection, on finit par ne rien faire…

Morale de l’histoire : Il ne suffit pas d’avoir un tube au compteur (comme en Occident) pour réussir et en vivre dans un environnement où les droits d’auteur sont inexistants.

Teety Tezano

Teety Tézano est la fille de Johnny Tezano, un chanteur camerounais de rumba/soukouss célèbre des années 80-90. Son nom peut vous sembler peu familier mais c’est sûr que vous l’avez déjà entendu chanter. Kwassa System est l’un de ses gros tubes.

Teety Tézano apparait dans le milieu musical puissamment comme leader du groupe Kit Kat Girls. Très vite, elle enchaine les collaborations avec notamment Sultan Oshimihn, Krotal ou le groupe Macase. Alors que tous les regards sont braqués sur cette pépite à la voix magnifique, elle disparait de la scène. Elle revient en 2011 sous le label Hip Hop Developpé (HHD). On retrouve une Teety Tezano ambitieuse qui sort un très remarqué featuring avec Danielle Eog « Hold On Sister« .

Puis c’est encore le blackout. Et ce n’est qu’en 2015 qu’on la revoit dans « In love » avec à l’appui une merveille de clip réalisé par Adah Akenji. Une inconstance qui a très certainement freiné l’éclosion de la carrière de ce diamant brut de la musique camerounaise, en qui les mélomanes voyaient la prochaine Whitney Houston.

Que devient-elle aujourd’hui ? C’est la voix qui se cache derrière le titre « Unstoppable » utilisée par la société de téléphonie MTN comme sonnerie d’attente depuis plusieurs années. Le talent de cette musicienne est unanimement reconnu par tous. Cependant, sa carrière en dent de scies l’a empêchée d’entrer dans l’histoire.

Notre analyse : Mauvais choix de créneau musical. Cette fan de Beyoncé n’a pas su s’éloigner de l’influence de son idole et a perduré à chanter dans la langue de Shakespeare sans vraiment en avoir la pleine maîtrise. Le genre musical qu’elle s’est choisi avait peu de chance après les « ravages » de l’Afropop d’exister au Cameroun, pas tel qu’elle l’a servi en tout cas.

Morale de l’histoire : C’est bien de s’inspirer de son idole mais il faut vite s’en détacher afin de trouver sa voie surtout si on est en Afrique où certains genres musicaux sont difficiles à assimiler par le grand public. Difficile d’exister face à des Tiwa Savage ou Yemi Alade quand on veut se la jouer Queen B sans adapter son style.

Museba

C’est une artiste dont l’évocation du nom laisse de très bons souvenirs dans la tête des camerounais. Mais après une seconde de réflexion, tout le monde se pose la même question : qu’est ce qu’elle devient ? Museba est l’une des premières artistes à avoir su exploiter le multiculturalisme camerounais pour s’imposer sur la scène du continent. Alors que la vague des chanteurs nigérians est en train d’envahir l’Afrique francophone, Museba qui chante depuis plusieurs années déjà sort « Bom Bom Bom » en 2012. Un succès qui rappelle aux camerounais qu’eux aussi peuvent rivaliser sur le marché de l’Afrobeat à l’anglophone.

Mais nos espoirs vont s’estomper net. Alors que nous voyions Museba en diva de la musique africaine raflant les récompenses, la suite de sa carrière ne nous donnera droit qu’à un gentil featuring avec J martins en 2014. Ce qui est certain, c’est que cette musicienne talentueuse n’est pas allée au bout de ce qu’on lui espérait. Dommage !

Aujourd’hui elle vit au Nigéria où elle se cherche comme on dit. Elle essaye en vain de frayer une place dans le showbizz nigérian qu’elle fréquente, mais pas facile facile dans cet univers très compétitif et protectionniste.

Notre analyse : Les nigérians ont mis du temps à construire leur industrie musicale et il est extrêmement difficile de pénétrer ce marché. Lorsqu’on réussit à avoir une bonne base de fans, il vaut mieux la garder au lieu de vouloir rejoindre un milieu auquel on n’appartient pas.

Morale de l’histoire : S’inspirer de ce que les nigérians font de bien ne veut pas dire renier sa case de départ. Il est possible de faire de l’afropop anglophone tout en demeurant un artiste d’Afrique francophone par exemple. Parfois partir est la mauvaise solution surtout quand les choses commencent à se décanter localement.

Danielle Eog

Danielle Eog dite Makedah. Ce nom ne vous est certainement pas étranger. Mais c’est assurément sa superbe voix qui a séduit le plus grand nombre. Depuis plus de 20 ans maintenant, la belle Danielle Eog côtoie les noms les plus célèbres de la musique camerounaise : Krotal, Manu Dibango, les Nubians … En 2013, elle arrive en finale du Prix Découverte Rfi et commet Peace, Love and Light, un album de 13 titres tant attendu après moult tentatives au fil des années.

Malgré ces faits marquants, la carrière de Makedah ne s’envole pas plus que ça. Même le télé crochet auquel elle a participé en 2014, Africa Talent Island (produit par Universal) où elle arrive en demi-finale ne saura lui donner le coup de pouce qu’on attendait tant. La carrière de l’une des plus belles voix camerounaises ne prendra pas l’envol que l’on lui aurait prédit, suscitant d’ailleurs l’exaspération et la désolation de certains fans. Il semble qu’elle n’ait pas la bonne recette de Tobassi.

Notre Analyse : Danielle Eog n’a jamais pu faire LE pas décisif qui aurait changé la trajectoire de sa carrière… Des artistes moins doués que Danielle, mais ayant plus de determination ont réussi là où elle n’a pas pu hélas décoller. Une peur paralysante de l’échec et une éternelle quête de la perfection en sont malheureusement la cause…

Morale de l’histoire : Qui veut aller loin ménage sa monture. Quand on s’engage sur une voie, il faut donner tout ce qu’on a dans les tripes avant de s’arrêter. Le talent seul ne suffit pas, il faut oser et ne pas avoir peur de se casser la figure ! Savoir s’entourer également est primordial que ce soit personnellement ou professionnellement.

Duc Z

De son vrai nom Ulrich Djoumessi, la coqueluche des filles a pendant longtemps été considéré comme l’espoir du R’n’B « Made in Mboa ». En mars 2011, il sort « Je ne donne pas le lait« . Un hit ! Malgré les cris au plagiat de ses compères – qui avec lui ont participé au projet Kamer All Star (Franky P, Jack Napier, Krotal, Laetitia, Duc-Z, Boudor) qui a initialement sorti le titre « Le lait » – la reconnaissance du public est immédiate. Le succès qui s’en suit le fait travailler avec un producteur camerounais basé au Gabon Moyhold & Co. et de là naitra African Mamy. Autre tube qui le mènera à quitter (non sans menaces et échauffourées) Moyhold et à signer un contrat avec le label Empire de Pit Baccardi. Il faut dire que travailler avec le dinosaure camerounais du rap reconverti en producteur parait tentant. Il fera même un remix de « Je ne donne pas le lait » avec la star Singuila.

Par la suite, alors que tout le public s’attendait à une explosion du jeune chanteur, c’est plutôt à une descente aux enfers qu’il a eu droit. Silence radio. Aucune chanson au top des charts pendant de longs mois et une seule question sur toutes les lèvres : « Où est donc passé Duc-Z ? ». La nouvelle recrue d’Empire en la personne du jeune Magasco y serait parait-il pour quelque chose. Les mots concurrence et jalousie ont circulé dans les bruits de couloirs. Et pour cause il semble que son label de l’époque ait souhaité misé davantage sur la touche anglophone du nouvel arrivant.

Entre autres désaccords, Duc-Z quitte le label sans crier gare et fonde le sien. Pour l’heure, celui qui s’était proclamé le « King » à son heure de gloire (à croire que c’est une habitude…) se bat à revenir au top mais c’est chaud. La relève assurée par des Locko et autres artistes est en marche. Difficile de rivaliser avec le sang neuf. En 2014, il commet le single « ça sort » qui en 1 an a eu moins de 3000 écoutes sur Soundcloud. Une perte pour la musique urbaine camerounaise.

Notre analyse : De mauvais choix de collaboration sont probablement la cause de ce parcours. Duc-Z aura appris que tout ce qui brille n’est pas or. Il pensait sans doute qu’en travaillant avec le label Empire son avenir serait assuré, mais hélas…

Morale de l’histoire : Commencer une carrière en piquant le son de ses petits camarades n’augure jamais rien de bon. Cela finit toujours par vous rattraper d’une manière ou une autre…


En conclusion, commencer n’est pas toujours le plus grand pas dans une carrière et surtout dans un domaine tel que la musique. Il faut s’armer d’un plan malléable d’autant plus que l’environnement camerounais et ses manques ne facilitent pas l’atteinte des objectifs. Les droits d’auteur, la distribution, le management de carrière, les coûts divers. C’est là que prend toute l’importance d’être signé par un label qui pourra mettre les moyens en oeuvre nécessaires à lancer et protéger une carrière dans le temps.

Ces pépites camerounaises auront essuyé les plâtres de ce secteur très prometteur que la musique camerounaise contemporaine et on leur tire notre chapeau.

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